Visite de l’école Summerhill à l’occasion de ses 100 ans !

Visite de l'école Summerhill

Nous avons eu la chance de faire la visite de l’école Summerhill lors du festival organisé pour ses 100 ans. Cette école démocratique emblématique, située à Leiston, dans le Suffolk… se trouve en effet à quelques kilomètres du camping où nous sommes restés tout l’été en Angleterre ! Comme un signe du destin, nous qui pratiquons le unschooling dans notre vie nomade de tous les jours. C’est donc avec émotion que nous avons visité l’école avec un élève actuel de 16 ans, puis avons passé le reste de la journée au festival où des conférences et des activités étaient mises en place. Suivez-nous au cœur d’une école pas comme les autres, où les enfants sont libres de ne pas aller en cours !

L’histoire de l’école Summerhill

Pour ceux qui ne connaissent pas l’école Summerhill, je vais vous parler un peu de son histoire. Cette école a été créée en 1921 (oui, ils ont fêté leurs 100 ans l’année dernière mais le festival a été repoussé en 2022 à cause du Covid, et tant mieux pour nous) par Alexander Sutherland Neill. D’abord journaliste, puis instituteur comme ses parents, celui-ci a posé un nouveau regard sur l’instruction des enfants. Pour lui, il n’y a aucun intérêt à ce que les enfants passent leurs journées assis, à écouter un professeur.

Il est évident qu’une école où l’on force des enfants actifs à s’asseoir devant des pupitres pour étudier des matières inutiles est une mauvaise école. Une telle école n’est bonne que pour ceux qui croient à son efficacité, c’est-à-dire pour ces citoyens sans imagination qui veulent des enfants dociles, dénués eux aussi d’imagination et qui s’accommoderont d’une civilisation dont l’argent est la marque du succès.

Libres Enfants de Summerhill (1960), A. S. Neill

Après des recherches et des rencontres avec d’autres pédagogues de l’éducation nouvelle et libertaire, il fonde la première école démocratique au monde : Summerhill. Dans cette école alternative et privée, plus de 46 nationalités se croisent ! Des enfants du monde entier viennent à l’internat, pour plusieurs années et parfois dès l’âge de 5 ans. Le concept principal ? À Summerhill, il n’y a point d’autorité de la part des adultes. C’est ensemble, enfants et adultes, que la communauté crée sa propre organisation et ses règles. Les cours sont présents, mais les enfants n’y participent que s’ils en ont envie ! Ils peuvent aussi très bien passer leur journée à jouer librement. Aujourd’hui, c’est la fille de Neill qui dirige l’école, Zoé Redhead.

Entrée de Summerhill

Notre visite de l’école Summerhill

C’est avec joie et excitation que nous sommes arrivés devant l’école Summerhill. Il faut dire que mes enfants sont en unschooling, qui découle des préceptes des écoles démocratiques. Ma fille aînée, Sara, est fascinée depuis longtemps par ces écoles alternatives. C’est elle qui a commencé à m’en parler il y a des années, bien avant que nous ne soyons nomades et en unschooling ! Dès notre arrivée, nous tombons sur la directrice, Zoé. Oui, car ici, tout le monde s’appelle par son prénom, il n’y a pas d’adultisme à Summerhill. Elle nous guide jusqu’à un jeune élève de 16 ans qui démarre la visite guidée. Les 2 classes principales sont fermées, mais on peut voir à travers les vitres. Zoé nous dit que les enfants actuels, en vacances donc non présents, ont voté pour fermer certains lieux qu’ils ne souhaitent pas accessibles aux visiteurs. Elle conclut, en partant : « Les enfants en ont décidé… vous savez, je ne suis que la directrice ! ».

Notre guide nous fait ensuite visiter les lieux. On ne s’imagine pas que ce soit aussi vaste !

Au niveau des locaux et espaces, il y a :

  • Une salle de classe pour les plus jeunes
  • Une salle de classe pour les ados
  • Une salle de théâtre
  • Une salle de musique avec un studio d’enregistrement
  • Des dortoirs
  • Une salle de biologie
  • Une bibliothèque
  • Une salle d’expériences scientifiques
  • Un café que les enfants gèrent, avec une terrasse (et c’est un lieu où ils peuvent jouer aux jeux vidéo)
  • Une salle de menuiserie et une fonderie (pour les travaux manuels)
  • Une salle d’arts et de créativité
  • Des espaces extérieurs avec balançoires, toboggans, rampe de skateboard, etc.
  • Une piscine
  • Une salle où ils prennent leurs repas
  • Et bien sûr, la fameuse salle des assemblées où les habitants de Summerhill votent les lois

Notre guide nous explique que les élèves peuvent aller en cours dans les salles de classes s’ils le veulent. Ils ont aussi le choix de jouer librement mais aussi d’aller dans les salles thématiques (s’il n’y a pas de cours à ce moment-là). On trouve d’ailleurs des plannings un peu partout sur les portes :

Pour savoir où tout le monde se trouve, il y a un panneau dans le hall où les enfants posent leur porte-nom : In (dans une salle), Out (à l’extérieur) et Far Out (en-dehors de l’établissement, pendant les vacances par exemple). À leur arrivée à Summerhill, chaque enfant fabrique son porte-nom en bois dans la menuiserie. Les horaires des repas sont fixes et rythment la journée :

Le soir, il y a une heure de coucher où les enfants doivent respecter le sommeil des autres et donc cesser de faire du bruit. Les petits sont toutefois séparés des grands ! Enfin, la tradition veut que lorsqu’un enfant quitte Summerhill, il grave son nom sur le mur de l’école 🙂

Une école démocratique et non pas laxiste

La visite de l’école Summerhill nous a permis de comprendre son fonctionnement. Les gens imaginent parfois qu’il s’agit d’une école où les enfants font tout ce qu’ils veulent et que c’est l’anarchie ! Eh bien pas du tout… car à Summerhill, il y a des règles et mêmes des amendes si elles ne sont pas respectées. Sauf que les règles sont votées lors des assemblées et que chaque personne (enfant ou adulte) est prise en considération. L’assemblée se réunit deux fois par semaine, le lundi et le vendredi. Aucune obligation d’y participer, mais ceux qui ne viennent pas voter doivent se soumettre au règlement. Lors des séances, un élève prend le rôle de présidence et un autre de secrétaire.

Le célèbre escalier de l'Assemblée
Le célèbre escalier de l’Assemblée

Ils débattent ensuite des problèmes rencontrés dans la semaine et doivent trouver des solutions. Chaque voix est écoutée dans la bienveillance et prise en compte. Pour les enfants les plus jeunes ou ceux qui sont trop timides, ils peuvent transmettre leur message à un autre élève qui parlera pour eux. Ensuite, ils votent à main levée et c’est la majorité qui l’emporte. Si quelqu’un, adulte ou élève, n’a pas respecté un élément du règlement… alors il a le droit de s’expliquer devant tout le monde. Ensuite, une « sanction-amende » peut être votée. En gros, cela fonctionne comme un tribunal mais le but est que l’enfant ou l’adulte fautif comprenne son erreur, la répare et soit sanctionné en fonction de la gravité.

Notre jeune guide nous dit que Neill était clair sur un point : La liberté, oui… mais pas au détriment des autres. Le respect est donc fondamental ! Il nous explique aussi qu’à un moment, quand il y a trop de règles (et que du coup, plus personne ne se rappelle des plus anciennes), ils effacent tout. C’est donc l’anarchie la plus totale jusqu’à ce que des enfants se plaignent du bruit, etc. Alors, ils recommencent à créer un nouveau règlement au fur et à mesure des problèmes qui se présentent. Les enfants sont écoutés et leur avis est pris en compte, ce qui contribue à les rendre autonomes et responsables.

L’expérience des anciens élèves

La visite de l’école Summerhill était importante pour moi, mais j’avais surtout deux questionnements à creuser : que sont devenus les anciens élèves et comment se passe la gestion des écrans (car Alexander Neill est décédé en 1973 donc bien avant l’utilisation massive d’internet). Je parle de ce dernier point dans le paragraphe suivant ! Pendant le festival, je suis allée à la conférence des anciens élèves. Notre jeune guide de 16 ans était présent, ainsi que des anciens de tous âges. Tout d’abord, ils ont été unanimes : Summerhill a changé leur vision de la vie et c’est devenu leur deuxième maison. Ils ont répondu aux questions du public, dont la première a été ce qu’ils n’ont pas aimé à l’école démocratique :

  • Le mal du pays et le manque de la famille a été cité le plus de fois
  • La barrière de la langue (un ancien nous a dit qu’il était arrivé à 11 ans depuis le Japon et qu’il ne parlait pas anglais du tout… finalement, il a su parler en anglais au bout de 3 mois)
  • La ville de Leiston pour les ados est trop petite, il n’y a pas grand-chose à faire à part le cinéma
  • Le départ de Summerhill qui a été difficile pour tous ! Certains y ont passé plus de 10 ans…
  • Le coût de l’école pour leurs parents (c’est une école privée donc assez chère, mais Zoé accepte désormais les enfants hors internat)
fini la visite de l'école Summerhill

Ensuite, ils ont parlé de leurs activités du moment et de ce qu’ils ont vécu après Summerhill. Certains ont poursuivi des études à l’université ou en écoles de médecine, biologie, etc. Pour ceux-là, ils ont tous été choqué de voir la barrière entre les profs et les élèves. Je cite une ancienne élève de Summerhill, actuellement en fac de biologie : « Je me suis bien intégrée à la fac au niveau études, mais ce qui m’a le plus choqué ce sont les élèves qui parlent mal des professeurs derrière leur dos. J’ai mis du temps aussi à m’habituer à l’adultisme ! Cette distance entre les profs et les élèves m’a mise mal à l’aise. »

Est-ce que les enfants de Summerhill (et ceux qui ont pratiqué le unschooling en général) ont réussi leur vie ? Voici ce qu’ils nous ont dit : « Il faut tout d’abord comprendre ce que la réussite signifie… est-ce que réussir sa vie est de pratiquer un « métier bien vu » et « bien payé » ? Ou bien est-ce suivre ses passions et travailler avec plaisir ? ». Alexander Neill avait aussi son idée :

Mon critère de la réussite, c’est la capacité qui permet de travailler joyeusement et de vivre positivement.

Libres Enfants de Summerhill (1960), A. S. Neill

Les anciens élèves ont listé leurs métiers et quelques-uns de leurs camarades non présents : Sage-femme, directrice de centre équestre, vendeur, ingénieur mécanique, routier, actrice, graphiste, auteur, illustrateur, architecte, artiste, producteur de musique, musicien, chanteuse, préparatrice en pharmacie, sportif de haut niveau, artisan, agriculteur, journaliste. Des métiers très variés donc !

Mais ce qui est ressorti de la discussion est ce que l’on constate aussi chez les anciens unschoolers : ils travaillent souvent à leur propre compte (même le routier a créé sa propre entreprise) et beaucoup sont dans le domaine créatif et artistique. Ils ont peut-être plus de confiance en eux car ils ont été écoutés et ont pu se consacrer à leurs passions dès le plus jeune âge. Ils ont du mal avec le salariat, même si certains sont tout de même salariés. On retrouve donc une majorité d’artisans, d’artistes et d’entrepreneurs. Tous ont été unanimes : ils choisissent leur vie en fonction de leurs passions et ils le vivent très bien. Bref, cela m’a encore plus conforté dans mes choix pour mes enfants 🙂

La taille des anciens élèves
Dans la menuiserie, les tailles des anciens élèves !

La gestion des écrans à Summerhill

Deuxième point que je voulais creuser lors de notre visite de l’école Summerhill : la gestion des écrans. De mon ressenti, je ne suis pas contre les écrans puisque c’est grâce à internet que je peux travailler et vivre une vie nomade avec mes enfants. Mais je suis souvent partagée sur la liberté à donner aux enfants sur le temps passé sur leurs tablettes ou téléphones. J’ai l’impression que les enfants et encore plus les ados nomades y passent beaucoup de temps : pour s’instruire, pour lire, pour discuter avec les copains nomades, pour regarder des vidéos, faire des jeux, etc. J’avoue que je ne sais pas encore bien comment me situer vis-à-vis de ça ! Il y a des moments où je deviens plus stricte que d’autres, car il y a tout de même un côté addictif… bref, je voulais donc voir comment Summerhill gère cette question. Car Neill n’avait pas ce souci à l’époque !

Eh bien, j’ai été surprise de voir qu’il y a un règlement sur la gestion des écrans. Il était affiché dans la salle de l’Assemblée, donc cela a dû être voté avec les enfants et les adultes.

Règlement des écrans
Le règlement des écrans

Pour ceux qui ne comprennent pas l’anglais, les règles principales sont :

  • Interdiction d’utiliser les écrans avant 16h, sauf s’ils ont des recherches à faire ou quelque chose de créatif (par exemple, choisir des modèles de dessin, leçons, faire du codage, etc.)
  • Il est interdit d’aller sur des sites qui ne sont pas adaptés à leurs âges
  • Ils ont obligation d’aller sur un serveur sécurisé, géré par l’établissement. S’ils ne passent pas par là, ils n’auront pas accès au wifi !
  • Pas d’écrans pendant les repas, durant les assemblées et la nuit
  • Si un enfant plus jeune arrive dans une pièce où des ados regardent un film… c’est l’âge du plus jeune qui prime. Ils doivent faire attention à ce qu’ils ne regardent pas des choses non appropriées pour leur âge.
  • Les enfants les plus jeunes ne doivent pas faire d’écrans 1 heure avant leur coucher du soir
  • Si un élève est banni d’écran, il peut juste l’utiliser pour appeler ses parents et pour les leçons (J’imagine que cela arrive s’il n’a pas respecté le règlement)

Bref, c’est un peu ce que je fais avec mes enfants (une limite, mais dans le respect de leurs besoins). Donc là aussi, cela m’a rassurée ! D’autant plus que lorsque j’organise une Casa Nomade, mes enfants ne demandent quasiment plus les écrans 🙂

Bibliographie et liens pour en savoir plus

L’histoire de Summerhill vous intrigue et vous voulez en savoir plus ? Voici quelques liens pour creuser le sujet :

Cette visite de l’école Summerhill nous a boosté pour continuer le unschooling (que je trouve tellement naturel maintenant). Ce qui a changé depuis ? Avec les enfants, nous avons mis en place « le Conseil des T-Rex » (nom choisi par vote… je vous laisse deviner qui a eu l’idée !) : on se réunit une fois par semaine pour discuter des problèmes rencontrés par notre famille et chercher des solutions ENSEMBLE. Mes propositions ne sont pas forcément acceptées et je dois me soumettre parfois à leurs idées… mais depuis, l’ambiance au sein de notre famille s’est grandement apaisée 🙂 Et vous, si vous mettiez en place une petite réunion de famille hebdomadaire pour voter votre propre règlement, sans adultisme ? J’attends vos retours dans les commentaires !

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